» L’analyse de la marche

Le handicap moteur se traduit souvent par des troubles de la marche, véritables défis cliniques tant les anomalies sont mélangées et complexes à décoder. L’analyse quantifiée de la marche permet de poser un regard objectif et posé afin de proposer traitements et suivis au profit du patient.

Pour qui ?

L’analyse quantifiée de la marche peut être proposée à tous les enfants qui ont des troubles de la marche : en majorité les enfants qui souffrent de paralysie cérébrale, mais aussi ceux qui ont subi un traumatisme crânien ou sont atteints de maladies neuromusculaires évolutives (myopathies, maladie de Strümpell-Lorrain, ataxie de Friedreich, syndrome triple H, etc.). Il faut que l’enfant sache marcher sur au moins quinze mètres de manière autonome ou avec des aides techniques légères, dans l’idéal cinquante à cent mètres, et qu’il soit coopératif. En pratique, suivant les enfants, l’analyse peut être proposée à partir de quatre ans.

La croissance, une période cruciale

L’enfant grandit. Les déséquilibres de départ de ses tendons, muscles et os sont susceptibles de s’aggraver pendant sa croissance. Il va aussi trouver des stratégies pour contourner ses difficultés. Or, ces compensations entraînent elles-mêmes de nouveaux déséquilibres. Il est nécessaire de suivre l’enfant dès l’acquisition de la marche pour décoder rapidement les premiers problèmes. Le but est de devancer les anomalies pour bien les gérer et empêcher qu’au handicap de départ s’ajoutent des anomalies dues à la croissance et aux compensations.

Une exploration objective

L’analyse quantifiée de la marche permet de décortiquer comment l’enfant utilise ses muscles et ses articulations à chaque pas. Elle mesure les forces en jeu, les amplitudes articulaires, l’activité musculaire, la qualité du contrôle de la marche, la stabilité et les risques de chute, etc. Tous ces renseignements, complémentaires de ceux obtenus lors de l’examen clinique, permettent au médecin d’identifier les anomalies et d’en trouver les causes. Cet outil, associé à d’autres comme l’échelle motrice fonctionnelle globale ou les tests de dépense énergétique, permet d’argumenter pour le type de rééducation ou les gestes chirurgicaux à envisager. Il sert aussi à suivre l’évolution de l’enfant et à évaluer l’impact des traitements, de manière objective.

Un examen indolore…

Après la consultation médicale et avoir été mesuré sous toutes les coutures, l’enfant est filmé en train de marcher de face et de profil. Il passe sur un tapis qui indique comment les pas s’organisent dans l’espace et le temps et permet d’apprécier la qualité des appuis. L’enfant est ensuite préparé par l’opérateur qui colle des marqueurs sphériques sur sa peau au niveau des articulations et des électrodes de surface sur les muscles de ses jambes. Ainsi paré, il est invité à marcher et à passer sur des plate-formes de forces. Il est filmé par plusieurs caméras infrarouges.

Quelques conseils pratiques pour le bon déroulement de l’examen : compter une demie journée en tout, prévoir des sous-vêtements ou un maillot de bain qui laissent les jambes et le bassin bien visibles et que les adolescents poilus pensent à venir les jambes rasées, le décollage des électrodes se passera mieux… D’ailleurs, vous pouvez suggérer que l’enfant enlève lui-même les adhésifs : c’est moins désagréable.

… interprété par des spécialistes

Il faut compter environ cinq semaines avant d’obtenir les résultats définitifs : l’enregistrement vidéo, les paramètres spatiaux-temporels, les paramètres dynamiques et cinématiques (forces en jeu et amplitudes de mouvement des articulations) et les tracés de l’activité électrique des muscles (électromyogramme) au cours de la marche. Toutes ces données sont analysées par une équipe pluridisciplinaire pour décider précisément quels rééducation, appareillage, traitement ou geste chirurgical seront les plus appropriés à l’enfant.

Dans quels cas ?

Tous les enfants souffrant de troubles de la marche n’ont pas nécessairement besoin d’une analyse quantifiée de la marche. Des analyses centrées sur les aspects fonctionnels de la marche, parfois une simple vidéo, peuvent suffire à comprendre leurs difficultés à se déplacer. Il faut en discuter avec un médecin spécialiste qui a l’habitude de l’analyse du mouvement, médecin de médecine physique et de réadaptation (MPR), chirurgien orthopédiste ou neurochirurgien. Cet examen quantitatif est prescrit au cas par cas, selon les questions qui se posent. Cependant, il constitue une base de réflexion et de comparaison essentielle si les problèmes s’aggravent.

Avant une opération multisite où plusieurs gestes chirurgicaux sur des muscles, des tendons et même parfois des os sont effectués lors d’une unique intervention, une analyse quantifiée est indispensable pour confirmer ou préciser les différentes actions envisagées par le chirurgien. Une deuxième analyse au moins est nécessaire un an plus tard pour juger du résultat. D’autres peuvent la compléter pour suivre les progrès de la rééducation, trois, six et dix-huit mois après l’intervention.

L’analyse quantifiée de la marche permet aussi de sélectionner avec précision les muscles cibles pour les injections de toxine botulique. Elle permet d’évaluer les effets d’une rééducation et peut parfois aider à régler les appareillages.

Ses limites

L’analyse quantifiée de la marche est un examen dont les résultats dépendent du lieu où il est pratiqué et de l’opérateur qui prépare l’enfant. En effet, le matériel et les modèles mathématiques d’analyse peuvent changer d’un laboratoire à l’autre et la pose des marqueurs ne se fait pas partout selon les mêmes techniques. Il est donc important de retourner dans le même centre pour faire des analyses comparatives.

Bien que pratiquée depuis le début des années 1990 en France, l’analyse quantifiée de la marche n’est pas encore un examen très répandu. Les laboratoires qui possèdent la technique et les professionnels qui savent l’interpréter ne sont pas très nombreux. Depuis 2007, l’examen est remboursé par la sécurité sociale.


France Télévision est venu tourner la rubrique « carnet de note » du magazine de la santé le 18 juin 2009. Ce documentaire aborde le monde de la rééducation orthopédique pédiatrique de jeunes patients souffrant de paralysie cérébrale et le rôle spécifique du laboratoire d’analyse clinique de la marche.

 


Voici un extrait de l’émission « Savoir plus Santé » du 14 juin 2003 intitulée « Mieux marcher…et pour longtemps », présentée par Martine Allain-Regnault et Laurent Broomhead.

L’extrait met en scène l’Unité d’Analyse Clinique du Mouvement (U.C.A.M.M.) de Bois-Larris avec l’intervention du Professeur Penneçot, chirurgien orthopédiste de l’hôpital Robert-Debré, le Dr. Gouraud, médecin chef à Bois-Larris, et El Mostafa Laassel, ingénieur de l’U.C.A.M.M. de 2001 à 2006.